Le 12 juin 1944, le maquis installé à Bonrepos, à la ferme de Gagen fut attaqué par un bataillon de la division SS « Das Reich ». Le combat qui s’en suivit fit 9 victimes parmi les résistants et 12 victimes civiles furent tuées en représailles. Ceci est le récit des évènements. Le 6 juin 1944 à 9 h 33, Ernest R. Dupuy, Chef du Service de Presse du Général Eisenhower, annonce par radio la nouvelle que tout le monde attend : le débarquement allié en Europe vient d’avoir lieu, très exactement dans la nuit à 0 h 15 sur les plages de Normandie. Le moment était donc venu pour les résistants d’entrer plus ouvertement dans la bataille, d’accélérer et multiplier les opérations de sabotage pour désunir le déplacement des troupes allemandes et ralentir leur progression vers la Normandie.
LE RALLIEMENT A Toulouse, dès le lendemain, en accord avec le Colonel Ravanel, le Chef Régional des Mouvements Unis de la Résistance Degon dit Bouconne, les chefs de groupe Jean Chaubet et Eugène Viguier et le responsable du Comité Départemental de la Résistance Camille Vié, donnent l’ordre de départ pour le Maquis de Saint‑Lys. Il s’agissait de rejoindre le château de Gagen sur la commune de Bonrepos situé à l’intersection de la RD12 en direction de L’Isle-Jourdain et de la RD68 en direction de Fonsorbes. Ce point n’était qu’un centre d’organisation et un point de ralliement et non une base d’opération militaire puisqu’il était prévu que les hommes armés devaient par la suite être dirigés vers Mérenvielle avec pour objectif la défense du secteur stratégique de Saint‑Jory. Dans les jours qui suivent, avec pour mot de reconnaissance « zouave » et pour signal de ralliement « maréchal nous voilà », 150 hommes rejoignent Saint‑Lys soit à bicyclette soit par un train qui partait de l’ancienne gare Roguet à Saint‑Cyprien. Le recrutement avait été opéré depuis l’automne 1943 par les divers Mouvements et le total des effectifs devait atteindre 600 hommes. Ces hommes étaient presque tous originaires de Toulouse avec notamment de nombreux employés municipaux, des ouvriers de l’ONIA et de la Cartoucherie, des républicains espagnols réfugiés à Toulouse et dans les communes avoisinantes. Une partie de leur mission, outre les opérations de sabotage, était d’assurer la protection des troupes aéroportées alliées, américaines en particulier, pendant leur atterrissage sur notre sol.
LE CHÂTEAU DE GAGEN Depuis 1942, le propriétaire du château de Gagen, Marcel Grisoul et son régisseur Henri Wolsfeld, l’avait mis à la disposition de la Résistance pour y cacher des maquisards ou des résistants poursuivis. Le château servait également de base à des groupes Francs pour des opérations de sabotage. Le groupe Morhange par exemple, spécialisé dans les coups de mains contre la Gestapo et la Milice, l’utilisait comme refuge.
LA LOGISTIQUE Dès son arrivée au Maquis, son chef Jean Chaubet y installe le PC, entouré de Degon, Camille Vié, André Vergnaud, Eugène Viguier, le jeune médecin André Bousquairol et le Chef militaire du maquis Lévêque. Au rez-de-chaussée se trouvent une cuisine, un magasin à munitions et à vivres, une infirmerie et une salle de réunions. L’étage et les dépendances sont transformés en dortoirs. A l’orée du bois, une cuisine roulante est aménagée. Un lot important de chaussures, de vêtements, de couvertures ainsi que du matériel sanitaire, du matériel de transmission, postes émetteurs-récepteurs, téléphones de campagne étaient entreposés au château.
L’ARMEMENT Pour ce qui est de l’armement, un premier parachutage d’essai avait eu lieu avant l’arrivée des premiers maquisards sur un terrain dit « Homère » non loin de la ferme Tourneris mais qui n’avaient apporté qu’un nombre dérisoire d’armes. Au total ce n’est donc qu’une dizaine de mitraillettes anglaises STEN, quelques grenades et des revolvers, la plupart à barillets, dont disposait le maquis. On attendait le message de Radio-Londres « Le poêle est un moteur » qui devaitt annoncer le véritable parachutage d’armes.
LA VEILLE A SAINT-LYS Le 11 juin, un accrochage survient à Saint-Lys. Devant l’église, vers les 10 heures du matin, à la sortie de la messe, le maquis de Sainte-Foy lance une opération de ravitaillement et pour la protéger plusieurs maquisards armés couvrent le village. Une voiture allemande survient alors sur laquelle ouvre le feu la sentinelle placée devant l’église. Descendent de la voiture un homme et une femme, de nationalité française, qui après interrogatoire seront relâchés par les maquisards. S’était cependant échappé de la voiture un officier allemand qui donne l’alerte à sa garnison de Plaisance‑du‑Touch. Le maquis de Saint-Lys est aussitôt informé de cet incident. Les chefs du maquis décident alors d’un transfert de Gagen vers le château du Candelé, prévu dès le départ comme point de repli. Le château et ses dépendances sont situés à 1 km de là, à l’extrémité sud du chemin de crête, sur la commune de Saiguède.
LE 12 JUIN 1944 Dans l’après-midi, ce transfert s’effectue, groupe par groupe, sous les ordres d’André Vergnaud. Tandis que certains chefs du Maquis remplissaient des missions les uns à Saint‑Lys, les autres à Toulouse, l’évacuation de Gagen vers le Candelé allait bon train puisque peu avant l’attaque, sur environ 150 combattants, il ne restait plus qu’une trentaine d’hommes à Gagen et qu’à l’exception du poste de garde de l’entrée du château, toutes les sentinelles avaient également été évacuées.
LES FORCES EN PRESENCE Le 3e Bataillon du Régiment « Deutschland » de la Division SS « Das Reich » est placé sous les ordres du Sturnbanführer (commandant) Streiger. Il comprenait quatre compagnies : la 9e et la 10e cantonnées à Venerque, au Vernet et à Miremont ; la 11e cantonnée à Lagardelle-sur-Lèze et commandée par le Hauptsurnbanführer (capitaine) Hoffmann qui devait être grièvement blessé devant Saint‑Lô ; la 12e cantonnée à Grépiac, commandée par le Hauptsturnbanführer (capitaine) Eckers, compagnie lourde dont l’armement se composait de mortiers de 80, de pièces d’infanterie de 75 et de canons antichars. Chaque compagnie comprend 150 hommes environ soit un bataillon composé de 600 Allemands mais aussi de Hongrois, de Polonais, de Tchèques, de Russes du groupement fasciste du Général Wlassow, de Mongols et aussi de jeunes Alsaciens enrôlés de force et qui plus tard à Avranches et à Saint‑Lô passeront dans les lignes alliées et retourneront leurs armes contre l’Allemagne. Dans la nuit du 9 juin, le bataillon reçoit l’ordre de détruire les maquis des environs de Bagnères‑de‑Bigorre. A défaut de succès sur les maquisards, les victimes furent d’innocents civils. Le 11 juin, le bataillon bombarde Bagnères et se livre à des massacres à Montgaillard, à Pouzac et à Bagnères même. Le 12 juin, le bataillon prend la direction de Toulouse, non par la nationale de Tarbes mais par les routes du Gers. Après avoir traversé l’Isle-jourdain, il emprunte la D12 qui, par Saint‑Lys et Muret, doit le reconduire à ses cantonnements. La 11e Compagnie circule en tête, menée en voiture découverte par Hoffmann, flanqué de son ordonnance et d’un Obersharführer (aspirant). La colonne se compose de plusieurs automitrailleuses et d’une cinquantaine de camions transportant des fantassins. Certains véhiculent remorquent des canons antichars. Des motocyclistes flanquent la formation.
L’ATTAQUE. C’est vers 19 heures qu’ils approchent du carrefour de Gagen. Au bruit fait par les camions allemands, les deux hommes de garde, sortent de l’abri pour voir ce qui arrive sur la route. A cet instant passe devant l’entrée du château la torpédo du commandant de la 11e Compagnie. Les occupants de la voiture aperçoivent les sentinelles et, sans doute, les hommes du poste qui se trouvent dans l’allée, à quelques mètres de la route. Les véhicules allemands stoppent et déversent leurs troupes qui trouvent en la ferme de Riscle un excellent abri et une position de choix pour passer à l’offensive.Surpris par la soudaineté de l’attaque, les maquisards sans armes et encore à Gagen sautent dans les bois pour s’échapper. Leur retraite est héroïquement couverte par quelques hommes armés : Lozes, Bordes, Rucosa, le père Seguela, Abel Autofage, Joseph Vié, le docteur André Bousquairol et Lucien Lafforgue. Après avoir vidé son chargeur, Eugène Lozes entre dans le bois.Autofage et Lafforgue sont tués à quelques mètres du château. Le fils Vié réussit à s’échapper à travers bois, ainsi que son père, mais ils se perdront dans leur course. Cavagnol tombe derrière les premiers arbres du bois. Le docteur Bousquairol se penche sur lui. C’est trop tard. Il se lance dans une prairie où l’atteint mortellement le fusil mitrailleur installé à la ferme de Cambrai.Sur la colline, les derniers maquisards de Gagen courent vers le Candelé. Un groupe constitué de Chaubet remonte le bois mais il sera stoppé par un SS non loin de l’orée entre les fermes Lacombe et Cambrai. Chaubet, ainsi que Joseph Vié et Lozes qui les avait rejoints, sont tués. Sorti de ce bois et longeant une haie vive, Jean Micoud est abattu. Pendant ce temps, le Château du Candelé se trouve sous le tir des mitrailleuses lourdes positionnées à Riscle qui flanquaient l’aile droite de l’attaque allemande. Paradoxalement l’ennemi obtient un résultat qu’il n’escomptait pas : l’évacuation rapide de la position. Beaucoup de maquisards s’enfuient à travers bois ou par les champs en direction de Saiguède et de Saint‑Thomas sous le feu de 4 fusils mitrailleurs et d’une auto‑mitrailleuse.Dans le chemin de terre qui relie le Candelé à Saiguède, Peyre exhorte Léonce Gonzales à le suivre dans sa retraite. Gonzales veut revenir vers le Candelé : il sera tué à l’orée du bois de la Taillade. Maître de la position au Candelé, l’ennemi se déploie et avec ses 4 fusils mitrailleurs contrôle la plaine de Saiguède. Vers 20 heures le tir s’arrête, suivi cependant d’une explosion dans la direction de Gagen : les SS venaient de faire sauter le château après l’avoir pillé et avoir incendié le pigeonnier et les hangars. Une partie des bâtiments du Candelé est également incendiée. Ça et là, les maquisards restent tapis dans les fourrés et dans les bois, jusqu’au départ des Allemands. Après quoi, la plupart trouveront refuge auprès des civils.
Les dépendances du Château du Candelé.
Vers 23 heures, les véhicules de la colonne allemande se regroupent près de la ferme Pillore, route de Muret. L’ensemble du bataillon reprend sa route en direction de Venerque, lieu de son cantonnement. Dans la nuit du 12 au 13 juin, quelques heures seulement après les combats, le parachutage des armes était effectué avec succès sur le terrain de secours d’Empeaux, après que la veille Radio‑Londres en eut averti le Maquis en répétant par trois fois « le poêle est un moteur ».
LES COMBATTANTS MORTS POUR LA FRANCE
André Bousquairol
Né le 4 août 1923 à Toulouse.
Etudiant en chirurgie.
Chef de troupe des éclaireurs de France.
Organise avec François Verdier et le docteur Baudot le Service de Santé des maquis.
Au moment de l'attaque, il fait partie des quelques hommes qui se trouvent encore au château de Gagen.
Dans sa fuite, il est atteint par le fusil mitrailleur installé à la ferme de Cambrai.
Laisse ses parents et ses deux jeunes sœurs.
Etudiant en chirurgie.
Chef de troupe des éclaireurs de France.
Organise avec François Verdier et le docteur Baudot le Service de Santé des maquis.
Au moment de l'attaque, il fait partie des quelques hommes qui se trouvent encore au château de Gagen.
Dans sa fuite, il est atteint par le fusil mitrailleur installé à la ferme de Cambrai.
Laisse ses parents et ses deux jeunes sœurs.
Joseph Vié
Né le 9 octobre 1901 à Lanta.
Militant syndicaliste.
"Cuistot" du maquis.
Au moment de l'attaque, il fait partie des quelques hommes qui se trouvent encore au château de Gagen.
Alors qu'il remonte par les bois en direction du Candelé, il est abattu entre les fermes Lacombe et Cambrai.
Son fils qui l'accompagnait a pu s'échapper et eut la vie sauve.
A laissé une épouse et 2 enfants.
Jean Chaubet
Né le 10 novembre 1900 à Burgalays (31).
Instituteur révoqué par Vichy en 1940, puis directeur des ventes d’une maison commerciale à Toulouse. Collabore au groupe du Capitaine Pélissier dit « Carton ».
Chef départemental de Franc-Tireur.
Au moment de l’attaque, il fait partie des derniers maquisards qui restaient encore à Gagen. Il parvient à remonter à travers bois en direction du Candelé en compagnie de Joseph Vié et Eugène Lozes, mais il est stoppé par un SS entre les fermes Lacombe et Cambrai.
Eugène Lozes
Né le 2 janvier 1911.
Employé municipal à Toulouse.
Militant du Parti Socialiste SFIO.
Au moment de l’attaque, il fait partie des quelques hommes qui se trouvent encore à Gagen. Il parvient à fuir à travers bois en direction du Candelé, mais il est stoppé entre les fermes Lacombe et Cambrai.
A laissé une femme et deux enfants.
André Cavagnol
Né le 7 mai 1914 à Toulouse.
Rédacteur au Service du Contentieux de la mairie de Toulouse.
Militant des jeunesses socialistes S.F.I.O.
Au moment de l’attaque, il fait partie des derniers hommes à se trouver encore à Gagen. Dans sa fuite à l’arrière du château, il est abattu dès l’entrée du bois.
Laisse une épouse.
Lucien Lafforgue
Né le 3 mai 1907 à Toulouse.
Ouvrier en chaussures.
Avec un modeste salaire, assure la subsistante d’un père veuf et infirme ainsi que d’une jeune sœur et d’un frère prisonnier en Allemagne.
Militant FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) spécialiste des sabotages.
Au moment de l’attaque, il fait partie des quelques hommes qui restent encore à Gagen. Il est tué à seulement quelques mètres du château.
Jean Micoud
Né le 7 juillet 1897 à Grenade.
Chef de section à la Direction des travaux de la ville de Toulouse.
Lieutenant de réserve.
Militant SFIO.
Au moment de l’attaque, il fait partie des quelques hommes qui se trouvaient encore à Gagen. Parvenu à s’échapper à travers les bois en direction du Candelé, c’est à la sortie de ce bois, longeant une haie vive, qu’il est abattu.
A laissé une épouse et 4 enfants.
Abel Autofage
Né le 18 février 1919 à Carcassonne.
Sapeur-pompier à Toulouse.
Chargé au maquis de l’instruction des armes.
Au moment de l’attaque, il faisait partie des derniers hommes à se trouver à Gagen. Il est tué à quelques mètres du château alors qu’il couvrait la retraite des maquisards sans armes.
Il laisse ses parents et sa jeune femme.
Léonce Gonzales
Né le 19 mars 1917 à Grenade (Andalousie).
Combattant de la guerre d’Espagne.
Au moment de l’attaque, il se trouve au château du Candelé. Alors que la position est rapidement évacuée sous les tirs des mitrailleuses lourdes, il est tué à l’orée du bois de la Taillade alors qu’il revenait vers le château.