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Balade sur le Chemin des Budos

A l’occasion d’une nouvelle balade proposée par Les Passeurs de Mémoire, en ce samedi de novembre un peu gris, une vingtaine de marcheurs ont parcouru un tronçon du Chemin des Budos qui relie le Château de Portes, surnommé « le vaisseau des Cévennes », à celui de Theyrargues, blotti, à deux jours de chaises à porteur, dans la plaine de la Cèze.

Le guide du jour était Pierre Chante, historien, aux connaissances pointues sur la région et la famille de Budos. Dans ses commentaires, l’historien a pu bénéficier de l’aide précieuse de la locale de l’étape, Annie, passionnée d’histoire et, en particulier, de celle de la Vallée de l’Auzonnet dont est originaire une bonne partie de sa famille.

La rivière, chère à Annie, prenant sa source à Portes, se jette dans la Cèze à Rivières-de-Theyrargues. Elle est donc étroitement liée à l’histoire des Budos et au « chemin » qu’empruntait la Marquise Marie-Félicie de Budos (dernière de sa lignée) pour se rendre de sa forteresse de Portes à son château d’agrément de Theyrargues. C’était dans la deuxième moitié du XVIIème siècle. En suivant ce chemin, sinueux parfois, caillouteux souvent, les marcheurs et marcheuses du jour ont pu apprécier, la robustesse, l’agilité et le courage des porteurs de chaise de la Marquise.

Au début de leur périple, les Passeurs de Mémoire ont découvert le château de la Fougassière, propriété du Marquis de Coudouret. Cette bâtisse fut, au XIXème siècle, la toute première usine chimique du Gard. Le flanc de la montagne, à l’arrière de la propriété, garde encore la cicatrice laissée par la cheminée (long et gros tuyau) qui, de la rive de l’Auzonnet, escaladait le côteau pour évacuer les fumées toxiques au sommet. Qui s’empressaient de retomber ici ou ailleurs… L’entreprise a cessé ses activités, évidemment polluantes, depuis plus d’un siècle.
Un peu plus loin, le guide a fait admirer l’ancien moulin des Peyrouses, construit en 1772 dont les roues à aubes pouvaient tourner toute l’année grâce à l’eau d’un ruisseau au débit constant, même lors des pics de chaleur estivale. Selon les géologues, ce ruisseau prend sa source dans le Mont Majard (voisin du Rouvergue) véritable éponge minérale qui, l’année durant, fait chanter le ruisseau. Suite à ces révélations, on a pu observer le regard envieux de certains marcheurs traduisant leur envie de disposer, toute l’année, d’une telle source d’énergie sans recevoir de factures d’EDF…

Le chemin commença ensuite à monter, en direction du Hameau de Ribot. Ce nom n’a, semble-t-il, aucune origine toponymique. Il est lié à une famille, originaire de la région de la Grand-Combe, qui s’est enracinée à cet endroit. La famille prospérant, les habitations se multipliant, le patronyme des « pionniers » a donné son nom au petit hameau.
Plus loin, à la Grange de Ribot, les randonneurs ont pu apprécier le savoir-faire des anciens bâtisseurs cévenols. Les mas en pierres sèches, de toutes tailles, optimalisaient la moindre parcelle plate, avec des constructions de plusieurs étages, partagés entre hommes et animaux, parfois même à proximité d’une source qui alimentait un puits creusé à l’intérieur même de la demeure.

A la sortie d’une vaste futaie de vénérables pins maritimes, à quelques encâblures de Saint-Jean-de-Valériscle, le groupe a découvert, niché dans un vallon verdoyant, le hameau de Pommier, si discret qu’il a bien failli passer inaperçu. Mais c’était sans compter sur les connaissances historiques d’Annie qui a rappelé qu’il s’agissait du berceau de Geneviève De Gaulle-Anthonioz, nièce du Général et, surtout, Résistante (au sein du Réseau du Musée de l’Homme, actif dès juillet-août 1940), déportée à Ravensbrück en 1944 et entrée au Panthéon en 2015. Cette grande dame a passé sa prime jeunesse dans cette vallée cévenole, jusqu’en 1922, année au cours de laquelle son papa, ingénieur des mines, fut muté dans la Sarre, occupée alors par la France.

Après avoir longé les installations de l’ancienne exploitation minière de Saint-Jean, dont un plan incliné présente un étonnant état de conservation, les marcheurs ont suivi leur guide le long de l’Auzonnet découvrant un colossal viaduc ayant servi à transporter le charbon extrait au Martinet, à Saint-Florent… Puis ce fut l’immersion dans les venelles du quartier médiéval du Barry (barry = remparts ou quartier construit entre eux) tellement étroites qu’elles ne voient jamais le soleil. Si bien que l’une d’elle a été nommée « Cerco  Sourel » (cherche soleil).
Seul endroit dégagé du Barry, une place sur laquelle s’ouvrent le Château et l’Eglise où le style roman domine. S’il n’a pas été possible d’accéder au Château, Michel Sublime, bénévole de l’Association qui, avec le soutien de la Municipalité, de l’Agglo d’Alès et du Département, a réussi une magnifique restauration de l’église, nous l’a faite découvrir tout en nous contant l’histoire tumultueuse du bâtiment.

Située au sommet d’une colline, l’église trouve son origine dans le castrum édifié par les Gallo-Romains où un temple était dédié au culte du dieu Mithra, qui sacrifiait un taureau afin d’en récupérer la force pour la transmettre à la nature. De cette époque, les bénévoles, qui avaient décroûté les murs avant leur remise à neuf, ont mis à jour une pierre scellée dans les murs d’origine, datant du IVème siècle, plus précisément de la mort de l’empereur Constantin (272 – 337 après J-C). C’est d’ailleurs à cette époque que le Christianisme s’implanta dans la région. Au quadrilatère initial, vint s’ajouter un chœur : le temple devint nef et le bâtiment agrandi devint église intégrée dans l’abbaye fortifiée dont seul subsiste aujourd’hui le château.
La population du premier village, aujourd’hui quartier du Barry, résidait dans les maisons construites autour de l’abbaye et s’abritait derrière un rempart protecteur. Au fil des siècles et de l’accroissement de la population, les maisons se construisirent, par étapes successives, entre le sommet de la colline et l’Auzonnet. De nouvelles fortifications venaient alors ceindre le village agrandi. Les vestiges de ces remparts ont aujourd’hui disparu ou sont intégrés dans les fondations des bâtiments actuels. C’est au cours de ces étapes que des transepts et chapelles sont construits pour accueillir les Fidèles de Saint-Jean-de-Valériscle, toujours plus nombreux. Preuve de l’évolution graduelle de l’église : une voûte à arc brisé, typique des débuts de l’art gothique, en côtoie d’autres en plein cintre, caractéristique de l’art roman.

Si l’église fut détruite aux deux tiers durant les guerres de religion, elle fut reconstruite ensuite grâce à la générosité de la famille De Budos, propriétaire du château du Barry, dernier témoin de l’abbaye fortifiée du Moyen-Age. L’objet de dévotion des chapelles reflète l’évolution historique de la Commune. Si, au fil des ans, le Vierge a remplacé Jeanne d’Arc dans le cœur des fidèles et dans une chapelle, Sainte-Barbe fut honorée à la grande époque de l’industrie minière et est toujours régulièrement fleurie.

Après avoir remercié les guides du jour et s’être promis de revenir, à la belle saison, achever la visite du Barry, pour découvrir le Musée des Blasons et peut-être le Château, ainsi que le Sentier d’interprétation récemment installé dans la commune, les marcheurs ont regagné leurs voitures, non pas à la lumière déclinante d’un coucher du soleil mais avec la fraîcheur naissante de la tombée de la nuit.

Cette marche sur « Le Chemin des Budos » conclut la saison automnale des balades « patrimoine-nature-histoire » laissant la place aux festivités familiales et amicales de fin 2024 et début d’année 2025.
Reprise en février quand la durée des journées s’étirera un peu plus et que les températures regarderont vers le printemps !