Congrès des maires : ce que la Première ministre a cédé et ce qu’elle a refusé
La Première ministre a voulu rendre un hommage appuyé aux maires pour entamer son discours, saluant leur « volonté à toute épreuve » et leur « détermination » : « Maire, c’est le visage de l’action et de la décision » . Elle a insisté sur sa volonté de « construire ensemble », répondant à la demande maintes fois exprimée pendant le congrès d’une relation de « confiance » – et alors que le président de l’AMF, David Lisnard, avait exprimé peu avant, dans son discours, la qualité de la « nouvelle relation » tissée entre l’AMF et l’exécutif. « La décentralisation ne peut se déployer et porter ses fruits sans la confiance, a notamment déclaré Élisabeth Borne. Mais la confiance ne se décrète pas, elle passe par des actes. »
Contrats de confiance : pas de sanctions
Premier « acte » donc, annoncé hier : si le gouvernement ne renonce pas à demander aux collectivités une plus grande « maîtrise » des dépenses de fonctionnement, il renonce en revanche à assortir cette demande de sanctions : « Nous ne voulons pas de nouveaux contrats de Cahors. Notre intention n’est pas de maintenir un mécanisme de sanction. » La Première ministre a néanmoins affirmé que « chacun doit prendre sa juste part à l’effort de la nation » . Pourtant, pendant le congrès, les responsables de l’AMF n’ont cessé de répéter que les communes n’avaient pas à « contribuer » à l’effort de redressement des comptes publics dans la mesure où elles ne sont nullement responsables de leur dégradation.
Filet de sécurité et amortisseur : « simplification »
La Première ministre a souligné l’effort de « 2,5 milliards d’euros » fait pour soutenir les collectivités face à l’inflation. Mais elle a reconnu que les dispositifs du filet de sécurité et de l’amortisseur électricité étaient « trop complexes » et annoncé qu’elle entendait les « simplifier » . Les seuils (c’est-à-dire la porte d’entrée pour accéder au filet de sécurité, initialement placé à 25 % de baisse de l’épargne brute) vont être « abaissés », sans que la Première ministre donne un chiffre. Les critères, « trop nombreux et trop complexes » , seront « simplifiés » . Simplification aussi pour l’amortisseur électricité, dont il a été dit plusieurs fois ces dernières semaines, par les parlementaires, qu’il fallait être polytechnicien pour le comprendre. Un « dispositif simplifié » sera présenté « dans les prochains jours ».
Des avancées sur le ZAN
Autre point de satisfaction : le zéro artificialisation nette, dont le congrès a montré à quel point il inquiète profondément les maires. La Première ministre a dit « comprendre » ces inquiétudes, et réaliser que les situations sont « diverses » (dans la ruralité, en montagne, sur le littoral, par exemple). Elle a donc confirmé que « les objectifs seront territorialisés et différenciés ». Comme l’avait déjà laissé entendre le ministre Christophe Béchu le décret « nomenclature » va être « adapté », en association avec l’AMF, afin de le rendre « plus lisible et opérationnel ». Le gouvernement souhaite notamment « garantir que toutes les communes rurales puissent bénéficier d’une possibilité de construction, en particulier lorsqu’elles ont peu construit par le passé ».
Deux autres annonces importantes : les grands projets nationaux (type LGV) « ne seront pas décomptés à l’échelle de chaque région mais à l’échelle nationale », afin de ne pas « pénaliser » les territoires. Et un « nouveau soutien en ingénierie » d’un montant de 200 millions d’euros va être débloqué par la Caisse des dépôts.
Grands événements 2024
Élisabeth Borne a aussi, semble-t-il, entendu les inquiétudes des élus – relayées par David Lisnard dans son discours – sur l’organisation des grands événements culturels et sportifs pendant les JO de Paris 2024. On se rappelle en effet que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait jeté le trouble en déclarant que faute de forces de sécurité suffisantes, les grands événements hors JO de l’été 2024 pourraient être repoussés ou même annulés. « Une solution équilibrée » sera trouvée, a promis la Première ministre, car « la conciliation de ces deux impératifs » est « possible ».
DGF, CVAE : c’est non
Reste tous les autres sujets qui fâchent, et sur lesquels la Première ministre n’a pas répondu, ou a carrément refusé les demandes de l’AMF. Dans son discours, Élisabeth Borne a balayé de nombreux sujets sans apporter de véritable élément de réponse aux inquiétudes des maires : santé, égalité des chances, petite enfance, sécurité… On ne peut même qu’être surpris de la place infime qu’elle a accordée aux événements graves qui se déroulent actuellement à Mayotte – se contentant de dire que le gouvernement sera « aux côtés » des maires de Mayotte, ce qui paraît un peu court.
Sur la principale exigence de l’AMF – l’indexation de la DGF sur l’inflation –, c’est clairement non. La Première ministre a répété que le gouvernement n’irait pas plus loin que l’augmentation de 320 millions d’euros prévue pour 2023, sans céder ni à l’AMF ni au Sénat qui demandent que cette augmentation soit portée à un milliard d’euros.
Sur le très sensible dossier de la suppression de la CVAE, pas d’ouverture non plus. La proposition de l’AMF de maintenir la CVAE et de supprimer, à la place, la C3S, n’a pas convaincu le gouvernement : « Nous aurions pu retenir d’autres voies pour alléger la fiscalité des entreprises », a reconnu Élisabeth Borne. Mais le choix de la CVAE reste confirmé, pour « cibler au mieux cette baisse sur l’industrie ». Toutefois, afin « d’intéresser les communes à l’accueil d’entreprises sur leur territoire » , la part de TVA qui viendra compenser la suppression de la CVAE sera « répartie en tenant compte du développement de l’activité économique » des territoires.
En conclusion, la Première ministre a émis le vœu que la « nouvelle relation » entre le gouvernement et l’AMF se poursuive et s’approfondisse : « Nous devons avancer main dans la main, échanger, continuer à nous entretenir » , pour « construire l’avenir ensemble, en confiance ».
SOURCE : Édition du vendredi 25 novembre 2022