DIDIER SUPER
Mon invité, vous le connaissez sûrement parce que vous avez vu sa dégaine ou entendu une de ses chansons quelque part. Une tête de clown, un pull trop petit qui laisse dépasser un ventre proéminent et une guitare au bout des doigts… Je parle bien entendu de Didier Super !
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Se définissant lui-même comme un chanteur pré-apocalyptique à l’engagement douteux et au mauvais goût certain, Didier Super a le don de se moquer de tout et de tout le monde… Mais ça passe ! Dans ses chansons, il livre « la vision qu’il a du monde au travers de ses lunettes sales » avec beaucoup d’humour, beaucoup d’ironie mais surtout sans aucune langue de bois. Bref : là où il passe, Didier Super ne laisse personne indifférent.
« Aujourd’hui, le vrai festival d’arts de rue c’est la fête de village ».
Les trois pépites de cet échange :
1) Il faut toujours avoir en tête que l’objectif est de plaire à son public. Didier Super évoque brièvement la différence entre « se moquer » et « se moquer avec amour » mais cette distinction me semble assez fondamentale. En fait, tout est une question d’équilibre et il le dit d’ailleurs lui-même : malgré une apparence bordélique, ses spectacles sont finalement très millimétrés. Didier Super vient du théâtre de rue et il nous rappelle que dans le théâtre de rue il faut savoir se faire aimer le plus vite possible pour que les gens aient envie de rester. Eh oui ! Contrairement à une salle de spectacle, la rue est un lieu de passage. D’où la nécessité de commencer gentil, de faire preuve de diplomatie vis-à-vis de son public. Cette expérience de la rue lui permet de doser, de trouver le juste milieu entre la moquerie et la flatterie et c’est ce qui fait que sa relation au public fonctionne et qu’il peut se servir de son personnage pour émettre une critique ou faire passer un message.
2) C’est l’artiste qui pose la convention de départ, le « ton du spectacle ». Son personnage n’est qu’un personnage. Didier Super est une invention : ce misogyne homophobe raciste qui prend la parole sur scène n’existe pas dans la vraie vie ! Mais l’auteur l’utilise pour se moquer de ces comportements. Comme le dit Didier dans l’entretien : il ne veut pas taper sur l’homosexuel mais critiquer l’homophobie. D’où la nécessité, dans ce rapport artiste-public, d’instaurer dès le démarrage la convention que ce que l’on va voir, c’est du second degré. A ce sujet, Didier nous dit que ce discours est de plus en plus difficile à tenir à l’heure où le débat se polarise. A l’époque gréco-romaine, on allait justement au théâtre pour « purger nos passions » et voir sur scène les comportements obscènes qu’on ne pouvait pas avoir dans la vraie vie : c’était ce qu’on appelait la catharsis. Mais cette notion semble visiblement très dépassée à l’heure de la cancel culture.
3) Pour un artiste, le fait d’être en lien direct avec son public permet d’assurer une certaine liberté et de se passer, dans une certaine mesure, des intermédiaires que sont les programmateurs et la presse. Plus un artiste est connu – donc « bankable » comme disent les américains – plus on sera tolérant vis-à-vis de son propos, y compris si celui-ci sort un peu du cadre de la bienpensance. Evidemment, construire un lien direct au public est un chemin beaucoup plus long mais aussi beaucoup plus pérenne. Je suis convaincu que les carrières qui se construisent petit à petit sont beaucoup plus solides en fin de compte que celles qui explosent du jour au lendemain. Didier Super nous invite également à aller jouer dans les endroits où personne ne veut aller et notamment en ruralité : dans les granges, les caves et peut-être même chez les particuliers… Derniers bastions de la résistance.
Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.
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