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Et si on écrivait !....

Nous vous avions proposé d’écrire quelques lignes de votre ressenti sur cette crise du covid à Ste Sigolène, Que ce soit de façon humoristique, poétique, philosophique.. n’hésitez pas, à nous faire passer vos textes à l’adresse suivante : contact@ville-sainte-sigolène.fr
Nous attendons votre texte !
Nous le publierons de façon anonyme.
Voici, pour ce deuxième envoi, une nouvelle, dont l’action se situe en 2043…

2043

2043. Grand-père, fatigué des nouvelles incessantes portées par les journaux virtuels, est assis dans son fauteuil, songeur, confiné dans sa petite chambre de la Résidence Sigolène. Il aperçoit alors la diode de son téléviseur-transmetteur s’éclairer en vert. Aussitôt, apparait le joli visage rieur d’une petite fille aux boucles blondes comme celles d’une princesse
.« Hey, Grand’pa. Good morning !
- Emma ! Qu’est-ce que je suis content to see you, mon arrière-petite-fille ! Comment ça va en Australie ?
- Nous sortons du confinement, Grand’pa. Lundi, je retourne à l’école. Je vais revoir mes copines. C’est youpi !
- Quel bonheur ! Mais vraiment quel bonheur que ce soit fini chez vous. Ici, ça va commencer. On a l’habitude. Je suis équipé d’un respirateur de salon que je mettrai lorsque le directeur le dira.
- Raconte-moi encore 2020. C’était comment ?
- C’était pas drôle, tu sais. Les hommes en voulaient tellement pour satisfaire leurs envies égoïstes que rien ne les arrêtait. Les villes étaient couvertes d’un nuage bleu de pollution et les cheminées d’usines crachaient leurs poussières d’oxydes et de dioxydes. Les hommes achetaient leur puissance avec de l’argent et des mensonges. Et puis est arrivé ce virus en début d’année qui a engorgé les poumons pour ouvrir les esprits. Les plus vulnérables étaient les vieux, comme si le virus avait décrété qu’ils ne servaient plus à rien et que c’était plus économique de les faire disparaître. Pour dire la mesquinerie de ce petit corona, c’était les enfants qui le transportaient, mais eux étaient indemnes de toute affection. C’est proprement dégoûtant ce qu’on leur faisait faire là en profitant à profusion de l’innocence.
- Les enfants n’étaient donc jamais malades ?
- Les enfants, non. Mais leurs parents, oui. Le virus se transmettait surtout quand on se parlait. Alors, les gens ne devaient plus se parler. Heureusement, on pouvait discuter par les smartphones ou les écrans d’ordinateurs. Vois-tu, les hommes sont faits pour vivre ensemble, discuter, débattre, rire. Le loup, aujourd’hui disparu, était un animal solitaire. L’homme non, il vit en meute d’amis et d’amour. Seulement, beaucoup n’ont pas voulu être solidaires. Ils ont perdu la raison pour bâtir quelques empires éphémères dans le passage d’une vie. Ils ont fait mal à la terre autant qu’aux bonnes gens qui n’avaient que quelques miettes à la fin du mois. Les bonnes gens ont crié fort leur misère aux forts, ils les ont menacés de révolutions.
- C’est pour ça que le virus est venu ?
- Le virus est l’une des sept plaies de l’Occident. Tout le monde a dit : « plus jamais comme avant ». Cependant, il y a eu des dirigeants censés. Pas en nombre suffisant. Que peuvent faire dix humanistes contre cent aveuglés par leur puissance égoïste, ignorant le sort des affligés comme les rois de jadis en leurs palais. J’ai eu un peu de chance, le virus n’a pas voulu me tuer. A la campagne, nous étions protégés, en quelque sorte. Nous allions faire un petit tour de cercle dont le rayon était de un kilomètre. J’avais un modeste potager. En ville, c’était différent. Les gens devaient marcher à un mètre de distance, se nettoyer les mains après avoir touché une barre du métro ou un caddie du supermarché. Les restaurants étaient fermés, et les spectacles tombaient du calendrier. Seulement, vois-tu, les oiseaux chantaient des louanges au printemps, les muscaris et les jonquilles égayaient les prés, les bourgeons des arbres éclataient avec le bonheur d’avoir un ciel bleu et sans avions au-dessusde leur tête. Comme si la terre ne prenait pas ombrage des vicissitudes qu’on lui faisait subir. Et le « plus jamais comme avant », c’est transformé en un « comme avant, c’est quand même mieux ». Sauf que, en Europe aussi, on porte toujours des masques. Certains moqueurs disent que même les hommes portent le niqab, aujourd’hui. C’est très joli, d’ailleurs. Les manufacturiers les ont fabriqués avec de la couleur. Je me souviens que ta mère en voulait absolument un avec des fleurs. Alors Grand’ma lui en a fabriqué dix, tous différents.
- Merci, Grand’pa. Les mots que tu as dans la bouche sont tellement beaux ! Ma maîtresse demande dans un devoir de raconter la pandémie de 2020. J’aurai plein de choses à dire. Je t’embrasse. Je sais bien que ça ne se fait plus, mais je t’embrasse quand même. See you soon, Grand’pa.
- See you soon, little girl.