ARIANE BILHERAN
Je suis ce matin en compagnie d’une invitée de premier choix, Ariane Bilheran : Normalienne, philosophe, psychologue clinicienne et docteur en psychopathologie.
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Ariane est l’autrice de plusieurs ouvrages : Psychopathologie de l’autorité en 2020, Chroniques du totalitarisme en 2021 et Psychopathologie du totalitarisme en 2023. Elle écrit également une chronique hebdomadaire pour Antipresse. Ensemble, nous parlerons de culture, d’éducation, de rapports d’autorité entre adultes et jeunes mais aussi de communautarisme.
« La crise de l’autorité fait le lit du fascisme. »
Les trois pépites de cet échange :
1) Il existe un lien entre abus de pouvoir, exploitation de classes, communautarisme et totalitarisme car tout ce qui conduit à un repli sur soi, à un enfermement conduit indubitablement à la haine de l’autre. De la même manière qu’une stagnation d’eau favorise le développement de moisissures, une stagnation de la pensée dans un environnement qui fonctionne de façon close favorise le développement de de la xénophobie. Or, la culture c’est une forme d’ouverture à l’autre. Si vous me suivez depuis un moment, vous avez probablement déjà entendu cette citation de Freud que je ressors régulièrement : « Tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre ». On comprend alors aisément pourquoi la vraie culture est dangereuse pour le pouvoir pervers qui n’hésite pas à faire preuve d’injonctions paradoxales aussi dans ce domaine en parlant « d’accès à la culture » mais en favorisant tout ce qui est de l’ordre du loisir, de l’évènementiel, donc de la jouissance immédiate.
2) Pour mettre en place un travail culturel de fond, il faut du temps ! Ariane nous rappelle que c’est la durée qui nous humanise, que c’est la durée qui nous permet de créer des liens de confiance, des liens durables. La première étape serait donc de sortir du « zapping humain », ce qui n’est pas chose aisée quand on connaît d’une part, la précarité et donc le turn-over en termes de personnel dans les métiers de la culture et du travail social ! Et d’autre part, les incitations des financeurs et des commanditaires à multiplier les « one shot » et le « bling-bling » qui fait du chiffre dans les dossiers de subvention plutôt que le travail ingrat mais nécessaire qui lui se fait au quotidien. Ariane fait à juste titre le parallèle avec la politique de confinement mise en place pendant la crise sanitaire : en nous séquestrant, le pouvoir a inhibé notre capacité à nous projeter dans la durée et cette inhibition a laissé des traces encore visibles aujourd’hui.
3) Éduquer, c’est poser des limites contenantes et bienveillantes. Or, parce que certains adultes ont démissionné de leur rôle d’adultes, ces limites n’ont pour certains jeunes jamais été rencontrées. Ce que nous dit Ariane, c’est qu’entre le laxisme et l’autoritarisme, nous privilégierons toujours l’autoritarisme car nous avons besoin d’une certaine fermeté pour commencer à nous construire. D’ailleurs, un parallèle peut être fait avec l’État et le fonctionnement des institutions : puisqu’il n’y a plus de contrat social solide, nous tendons irrémédiablement vers le fascisme. Là encore, c’est étonnant comme ce qui fonctionne à petite échelle fonctionne également à grande échelle !
Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.
L’article ARIANE BILHERAN est apparu en premier sur Le Bazar Culturel.