Discours du Maire - 11 novembre 2025
DISCOURS DU 11 NOVEMBRE 2025
Bernard Chevilliat
Maire de Lagorce (07)
Bernard Chevilliat
Maire de Lagorce (07)
« Onze heures.
Un grand silence. Un grand étonnement.
Puis une rumeur monte de la vallée, une autre lui répond de l’avant. C’est un jaillissement de cris dans les nefs de la forêt. Il semble que la terre exhale un long soupir. Il semble que de nos épaules tombe un poids énorme. Nos poitrines sont délivrées du cilice de l’angoisse : nous sommes définitivement sauvés.
Cet instant se relie à 1914. la vie se lève comme une aube. L’avenir s’ouvre comme une avenue magnifique. Mais une avenue bordée de cyprès et de tombes. Quelque chose d’amer gâte notre joie, et notre jeunesse a beaucoup vieilli. »
A onze heures, le 11 novembre 1918, l’armistice venait en effet d’être signé et la nouvelle de l’arrêt des combats courait dans les rangs et recouvrait la boue des tranchées…
Si l’on veut mesurer l’impact d’une telle nouvelle sur la troupe après quatre ans d’une guerre « absolue » et totale – elle avait été théorisée comme « totale » par Erich Ludendorff, le numéro deux de l’armée allemande –, il faut partir en quête des témoignages directs des rescapés de ce gigantesque massacre.
Je viens de vous lire le témoignage de Gabriel Chevallier, qui sera, plus tard, l’auteur à succès de Clochemerle, un roman satirique sur de dérisoires querelles villageoises qui connaîtra une notoriété considérable dans les années trente.
Dans un ouvrage antérieur, sobrement intitulé La Peur, Gabriel Chevallier racontait en effet sans fioriture mais avec un réel talent d’écriture ce qu’il avait vécu et signait ainsi un poignant récit où chaque mot est pesé…
Je reprends ma lecture…
« Pendant des années, après qu’on eut laissé notre courage et bien qu’aucune conviction ne nous animât plus, on a prétendu faire de nous des héros. Mais nous voyions trop que héros voulait dire victime. Pendant des années, on a exigé de nous le grand consentement qu’aucune force morale ne permet de répéter continuellement, à chaque heure. Certes, beaucoup ont consenti leur mort, une fois ou dix fois, résolument, pour en finir. Mais chaque fois que la vie nous restait, après que nous en avions fait don, nous étions plus traqués qu’avant. »
Et Gabriel Chevallier de conclure un peu plus loin :
« La paix vient d’arriver brusquement – comme une rafale ; comme la fortune échoit à un homme pauvre et usé… »
La paix arrive toujours trop tard.
L’usure morale, psychique et traumatique que la peur engendre chez tous les êtres traqués – traqués par l’angoisse, la violence et la haine aveugle – est en réalité indescriptible et secrète.
Cette usure sournoise pénètre jusqu’au plus profond des êtres, jusqu’aux plus intimes cellules de leur corps.
Elle imprègne jusqu’aux générations à venir.
Elle fait muter les êtres. Elle devient inoubliable.
Dans une lettre, que m’a communiqué Jean-Pierre Guéno et qui est adressée à sa mère en avril 1916, un jeune poilu de 29 ans, Gaston Biron, tout juste rescapé de l’enfer de Verdun, s’exprime ainsi :
« Nous étions tous montés là-haut après avoir fait le sacrifice de notre vie, car nous ne pensions pas qu’il fut possible de se tirer d’une pareille fournaise. Oui ma chère mère, nous avons beaucoup souffert et personne ne pourra jamais savoir par quelles transes et quelles souffrances horribles nous avons passé. À la souffrance morale de croire à chaque instant la mort nous surprendre vient s’ajouter les souffrances physiques de longues nuits sans dormir : huit jours sans boire et presque sans manger, huit jours à vivre au milieu d’un charnier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille ; ah ! j’ai bien pensé à vous tous durant des heures terribles, et ce fut ma plus grande souffrance que l’idée de ne jamais vous revoir. Nous avons tous bien vieilli, ma chère mère, et pour beaucoup, les cheveux grisonnants seront la marque éternelle des souffrances endurées ; et je suis de ceux-là. Plus de rires, plus de gaieté au bataillon, nous portons dans notre cœur le deuil de tous nos camarades tombés à Verdun du 5 au 12 mars. Est-ce un bonheur pour moi d’en être réchappé ? Je l’ignore mais si je dois tomber plus tard, il eut été préférable que je reste là-bas. »
Quelques mois après cette lettre, et après bien des désillusions, Gaston Biron sera à son tour tué au front.
Sans le savoir, les survivants des guerres, dont les cheveux ont en effet parfois prématurément blanchi, deviennent les membres de la communauté des « ébranlés », dont a parlé le philosophe tchèque Jan Patočka.
Et ces ébranlés ce sont nos pères.
Cette guerre-là que ses contemporains dénommaient la « Grande Guerre », ne fut pas une simple guerre parmi d’autres, elle fut une guerre de rupture.
D’abord, en raison de la mobilisation générale, inédite, autrement dit en raison du recours à une masse considérable d’hommes de part et d’autre. Ensuite par l’énormité de la puissance de feu, par l’usage des gaz asphyxiants, par les bombardements aveugles et incessants, par la profusion des moyens mécaniques et industriels mis en œuvre sur terre, dans les mers et les airs…
En 1916, en quelques semaines, on comptera jusqu’à 300 000 morts à Verdun et 450 000 morts dans la seule bataille de la Somme…
Pour l’ensemble de la guerre, on compte, dans le monde, 10 millions de morts militaires, 9 millions de morts civils et 21 millions de blessés ou de mutilés.
1 700 000 morts pour la seule France dont 300 000 civils et 550 000 agriculteurs. Un vrai carnage et un record… 3 fois plus que les guerres napoléoniennes en un temps 2,5 fois plus court.
Selon Jean Vioulac – un philosophe qui tente de penser la « catastrophe dans l’Histoire » et de définir la « crise » contemporaine comme une expression du nihilisme –, cette guerre marque un « effet de seuil » en raison de la pulsion de destruction qui la parcourt sur terre, dans les airs et sous l’eau : cette guerre-là a fait basculer la violence dans un nouvel état où prospère une logique d’anéantissement absolu.
Pour marquer cette singularité, la grande Hannah Arendt disait que le deuxième jour de cette guerre était pareil au lendemain d’une explosion…
Quelques années plus tard, c’est cette même logique d’anéantissement qui a conduit aux chambres à gaz, à Auschwitz et à Hiroshima…
Ernst Jünger, l’auteur allemand d’Orages d’acier, 14 fois blessé au front, parle lui aussi d’une « orgie de destruction » et il décrit « la monstrueuse volonté d’anéantissement qui pesait alors sur ce champ de mort », volonté d’anéantissement, ajoute-t-il, qui « se concentrait dans les cerveaux »…
Ailleurs, il propose l’image saisissante du « vortex rugissant de l’annihilation »…
La Grande Guerre a bien été l’abîme et le « trou noir » de la modernité mais aussi la matrice qui enfantera tous les totalitarismes destructeurs des XXe et XXIe siècles : fascisme, bolchévisme, nazisme, stalinisme, maoïsme… et tous les autoritarismes, multiples et variés, y compris démocratiques, qui cultivent aujourd’hui le ressentiment et l’esprit de revanche.
L’annihilation – la réduction de l’autre à zéro ou à rien –, c’est l’éradication des vivants, la destruction des lieux de vie et le nettoyage ethnique.
A l’évidence, la guerre est une ivresse de mort où le plus simple des soldats perd tout sens commun… et se retrouve emporté – bien malgré lui, parfois – dans ce qu’on a appelé un « déferlement de néant »…
Dans la déferlante du néant, il n’y a pas de limites.
Dans le nihilisme – qui est un abîme et un anéantissement des repères –, il n’y a plus de bornes morales et c’est l’une des raisons pour lesquelles de simples soldats du contingent peuvent en arriver à torturer leurs victimes ou, aujourd’hui, à filmer, sans vergogne mais avec un plaisir sadique, leur détresse et leur agonie…
Ils n’ont plus de centre, ils n’ont plus de sur-moi, aurait dit Freud, ce sont des êtres perdus pour l’humanité.
En ce jour où l’on célèbre la fin d’une tragédie absurde et sanguinaire, je ne peux m’empêcher de songer à l’actuelle tragédie des vieillards et des enfants traqués, des hommes et des femmes pourchassés à Gaza par une haine surarmée et un esprit de vengeance démesuré qui transpire lui aussi la peur et l’orgueil… et je m’interroge sur la disproportionnalité de la réplique, très loin du fameux « œil pour œil, dent pour dent », somme toute équilibré, de la Bible…
On ne peut pas ignorer – et on ne doit pas relativiser – les horreurs du Hamas et l’effroi du 7 octobre 2023 mais on est en droit de s’interroger sur la mécanique psychologique qui conduit de simples citoyens israéliens, certes formatés depuis la naissance par un récit identitaire et nationaliste, mais aussi descendants, pour certains d’entre eux, d’êtres qui ont connu la plus ignoble des traques, le plus ignoble des destins au travers de la Shoah, à devenir à leur tour des traqueurs et des tueurs sans états d’âme ?
Sans doute parce que la haine et la peur anesthésient l’intelligence, sans doute parce que la haine et la peur obstruent la mémoire, surévaluent le récit national, dopent l’arrogance, éteignent toute sensibilité et, in fine, effacent toute lucidité et anéantissent tout espoir de recours au dialogue.
Hannah Arendt a écrit dans sa monumentale étude sur Les Origines du Totalitarisme où tout est dit : « Ce dont a besoin le pouvoir totalitaire pour guider la conduite de ses sujets, c’est d’une préparation qui rende chacun d’entre eux apte à jouer aussi bien le rôle de bourreau que celui de victime. Cette préparation à deux faces, substitut d’un principe d’action, est l’idéologie. »
Et, en l’occurrence, ici, c’est l’idéologie sioniste qui est à l’œuvre, et cette idéologie et son récit biaisé prospèrent, sans surprise… depuis 1917 et la déclaration Balfour, du nom du secrétaire d’État anglais qui s’est autorisé à promettre la terre de Palestine et un foyer aux Juifs de la diaspora sans même en référer aux Palestiniens qui y résidaient alors depuis des lustres…
Dans le chaudron de la Grande Guerre, on retrouve, en train de mijoter, toutes les prémisses des drames d’aujourd’hui.
Mais enfin… pourquoi donc des haines fratricides et frontalières parcourent-elles sans cesse – et partout – le monde depuis deux siècles ?
Le sociologue suisse Jean-François Bayart – un voisin en quelque sorte puisqu’il réside souvent à Balazuc –, spécialiste des identités, et des questions identitaires, affirme que la plupart des guerres, qui pourrissent le monde actuel, procèdent du passage d’un monde d’empires à un monde d’états-nations.
Ce fut le cas des dernières Guerres mondiales qui furent toutes des guerres entre empires coloniaux. On voit aujourd’hui que le colonialisme devient une forte tentation pour les états surmilitarisés.
Selon Bayart, encore, c’est « l’alliage » des idéologies de l’identité et de l’obsession de propriété qui est le détonateur de la majorité des guerres contemporaines.
On le vérifie avec les deux grands conflits actuels, au Moyen-Orient et en Ukraine, mais aussi avec le martyre du Soudan, les suites du génocide arménien ou les affrontements ethniques au Congo – même si l’appât des métaux rares et du pétrole brouille passablement les cartes.
Plus préoccupant encore, la « purification ethnique » – la non-reconnaissance et la tentative d’effacement de l’autre – qu’on voit à l’œuvre en maintes parties du monde, devient l’ingénierie de base (J.Vioulac) qui contribue à la formation ou à la consolidation des état-nations.
Et c’est pourquoi, en cette date anniversaire de la fin de la première guerre « patriotique » du XXe siècle et de ses massacres, on ne doit pas sous-estimer « l’humeur totalitaire » et la tentation autoritariste qui s’installent un peu partout dans le monde en se moquant éperdument du droit international qui est l’un des héritages positifs de ces guerres…
L’historien anglais Robert Darnon a beaucoup travaillé sur l’« humeur révolutionnaire » qui prévalait dans les décennies qui ont précédé (et préparé) la Révolution de 1789… et je crois qu’on peut en dire autant aujourd’hui de l’« humeur totalitaire » qui monte à bas-bruit un peu partout.
On ne doit pas, non plus, dédaigner la dimension hypnotique de cette geste totalitaire qui, aux deux extrêmes de l’échiquier politique, renait et séduit une jeunesse qui manifestement ignore tout des ressorts de l’histoire…
Le totalitarisme et le nihilisme marchent d’un même pas cadencé depuis la Grande Guerre… et ils investissent peu à peu les consciences.
En 1943, la jeune philosophe Simone Weil, qui se trouvait alors à Londres, notait que « si une passion collective saisit tout un pays, le pays entier est unanime dans le crime. »
La passion collective est souvent une passion triste.
On ne doit pas non plus hausser les épaules quand le Narcisse américain – girouette ignare et vulgaire – brutalise la vérité et profère des menaces à tout va pour servir ses « deals » mercantiles et sa vanité (« la vanité, disait le philosophe ardéchois Gustave Thibon, c’est l’orgueil du vide »), on ne doit pas détourner les yeux quand d’aucuns, bien plus à l’Est, falsifient l’histoire et embrigadent – avec un cynisme proprement démoniaque ! – les enfants enlevés dans les territoires occupés pour les envoyer à une mort certaine contre leurs propres frères…
La guerre en Ukraine s’éternise et s’enlise. Comme la Grande Guerre, elle est devenue une guerre de position et de tranchées. L’« éternel retour » des invariants de la guerre, qu’on croyait hors de saison, nous rappelle que toutes les folies peuvent se répéter et conduire aux mêmes errements…
Ne soyons pas comme les dirigeants de l’Europe qui, en 1914, ont marché en rangs serrés vers la guerre comme des somnambules… pour reprendre l’image de l’historien Christopher Clark…
La Grande Guerre a été un grand cri d’effroi puis, en ce 11 novembre 1918, un long soupir de soulagement et d’espoir…
Il faut vraiment la voir comme un point de bascule, comme le creuset d’un monde nouveau et dangereux… encore en devenir ... et par conséquent la penser comme un enseignement et un signal d’alarme. Dès les années 1950, la grande Hannah Arendt tirait la sonnette d’alarme : c’est notre indifférence et notre passivité qui conduiront à la résurrection du pire.
La Grèce nous l’a appris, l’hubris, la « démesure », – à gauche comme à droite – nous conduit à l’abîme et au chaos. Seules la mesure, la responsabilité, la retenue et la pondération nous sauveront.
Avant de conclure, je voudrais cependant revenir sur une formule de Gabriel Chevallier que j’ai lu tout à l’heure : « On a prétendu faire de nous des héros. Mais nous voyions trop que héros voulait dire victime »…
Je voudrais souligner que s’il y a eu, certes, ô combien, des victimes, il y a eu des héros magnifiques dans cette Grande Guerre, surtout dans la glaise et le froid des tranchées. Des êtres, paysans et ouvriers, qui ont fait le don de leur vie avec une abnégation et un courage hors normes… Des êtres qui se sont sacrifiés pour protéger les générations à venir…
Ici à Lagorce, on peut ainsi compter 57 noms de « sacrifiés » sur le monument aux morts… soit 10% de la population masculine du village.
Permettez-moi enfin, pour ajouter une touche d’humanité plus riante à mon propos et afin de lui rendre un hommage public, de dire quelques mots sur mon grand-père paternel, Henri Chevilliat. Il est né en 1886 et il est décédé en 1976. Conscrit et lieutenant au 10e hussard, il a été un authentique « héros » de l’aviation de 1914-18.
Sa médaille de chevalier de la légion d’honneur et sa croix de guerre, et, surtout, ses multiples « citations à l’ordre de l’armée » en témoignent.
Voici des extraits de trois de ces citations qui montrent, dans un même souffle, la réalité des combats aériens et l’ardeur sacrificielle d’alors…
En 1917 : « Observateur de grande valeur, d’un courage et d’une abnégation remarquable. S’est toujours offert pour les missions les plus dangereuses. S’est défendu courageusement le 28 octobre contre six avions ennemis. Au cours des dernières attaques, a effectué de nombreux réglages de tir à longue portée dans des conditions atmosphériques très difficiles sous le feu des canons contre-avion. A eu plusieurs fois son appareil criblé de balles au cours des combats avec des avions ennemis »…
En 1918, une autre signée du général Pétain… : « Officier d’élite animé du sentiment du devoir et du plus bel esprit de sacrifice. (…) Remarquable pilote de bombardement de jour. Au cours de l’offensive du 9 au 31 août s’est dépensé sans compter, emmenant son peloton bombarder et mitrailler sans relâche, avec un plein succès, malgré des conditions très défavorables »…
En 1919 : « Chef d’escadrille de premier ordre, en même temps qu’exécutant remarquable, s’imposant à tous par son énergie et son entrain. Pendant l’offensive de Champagne de septembre et octobre 1918, a fourni à la tête de son escadrille un magnifique effort… ».
Au début de la guerre, on avait d’abord affecté mon grand-père à la cavalerie et une photo le montre impeccablement monté sur son cheval de hussard. Puis, après les charges folles et inutiles, après la déconfiture, on l’avait versé dans l’aviation naissante comme on le fit pour beaucoup de cavaliers. Il nous a ramené des photos d’avions improbables écrasés au décollage, ou à l’atterrissage, qui laissent à penser que le combat n’était pas le seul risque encouru…
Quand j’étais enfant, il me commentait chacune de ces photos en m’expliquant ce qu’il était arrivé de fâcheux à ces avions et chaque défaut de conception décelé… un peu tard quand même.
Il me parlait aussi de ses combats aériens. Il était aviateur-pilote et son compagnon d’équipée, dont j’ai oublié le nom, tirait à la mitrailleuse depuis sa tourelle arrière. « Les Allemands volaient plus vite mais nous volions plus haut », me disait-il… Les Allemands disposaient en fait du meilleur et du plus redoutable avion de guerre d’alors, le Fokker.
Lors de la guerre de 39-45, officier de réserve, mon grand-père, toujours volontaire, a promptement repris l’uniforme en décembre 1939 avant d’être démobilisé en mars 1940.
Quand j’ai eu l’âge de mieux l’interroger, il était devenu trop âgé et ne parlait plus de ses états de service d’antan. Il préférait remonter à longueur de journée le pauvre réveil de sa cuisine qui n’en pouvait mais… en soupirant « Seigneur, prends-pitié »…
En 1916, deux infirmières, Charlotte Malleterre et Suzanne Lenhardt, avaient eu à cœur de redonner aux nombreux blessés de guerre et aux invalides une activité et une mission. Elle se mirent à leur faire confectionner des bleuets en tissu, à l’image de ces fleurs-compagnes qui poussaient dans les tranchées mais aussi – et surtout – en référence à la couleur bleue de l’uniforme des poilus... Cela devint une source de financement et, en 1925, le premier atelier de confection à grande échelle vit le jour.
Cette année, nous fêtons donc le centenaire de cette création devenue un fonds de dotation où tout un chacun peut abonder pour Le Bleuet de France qui accompagne les invalides de guerre et leur famille mais aussi les victimes d’attentats… Nous aurons ainsi une pensée pour les victimes des terroristes du 13 novembre 2015 – il y a tout juste dix ans –, victimes qui périrent ou furent blessés au Bataclan, au stade de France et dans cinq cafés et terrasses… 130 morts et 413 blessés ! Une autre folie.
Je voulais aussi dire un dernier mot autour de ce bleuet emblématique, que certains arborent à la boutonnière, et dire que les anglo-saxons arborent eux une autre fleur-compagne rouge, le coquelicot, à ceci près qu’ils sont 40 millions à l’arborer contre un petit million chez nous pour le bleuet. La personne qui a promu contre vents et marées ce coquelicot et le Poppy Day partout aux USA et en Grande-Bretagne, pendant et au lendemain de la Grande Guerre, s’appelle Anna Boulle (épouse Guérin). Née en 1878, elle est originaire d’Ardèche et plus précisément de Vallon Pont d’Arc ! Un livre de Claude Vigoureux sur sa vie romanesque, La Dame au coquelicot, publié en Ardèche, lui rend un juste hommage.
Les guerres laissent des traces, ai-je dit…
Mme Monique Griffay en a récemment retrouvé une, bien matérielle celle-là, à Tabias : un casque abandonné en 1944 par l’armée allemande en déroute. Merci à sa présence d’esprit et à son civisme.
Le casque était partiellement enterré… Tout rouillé, mais bien reconnaissable, il est aujourd’hui en mairie.
Peut-être en ferons-nous un pot de fleurs mémoriel pour le monument aux morts ?!
Vive la République, vive la France !
