Balade du 15 novembre 2024 au Pic Cassini (Mont Lozère)
En ce vendredi matin frileux, les Passeurs de Mémoire avaient décidé de rester sous l’édredon. Tous ? Non ! Une poignée d’irréductibles Gaulois marcheurs avaient résisté à l’appel de la couette et s’étaient donné rendez-vous sur le parking de la pharmacie au Buis.
Pas pour s’acheter des charentaises bien fourrées, non, mais, bien emmitouflés, pour se rendre, en voiture, au Mas de la Barque quelques 1250 m plus haut et, de là, au Pic Cassini culminant à 1683 m.
Arrivés sur les lieux de départ de la balade, les nombreux virages de la montée depuis Génolhac jusqu’au Mas de la Barque n’ayant pas entamé l’appétit de la demi-douzaine de randonneurs, ceux-ci ont fait honneur au succulent petit déjeuner apporté par Annie.
Francis, le guide du jour, a profité de cette pause gourmande pour exposer l’origine du nom du lieu : un énorme rocher, en contrebas du parking, qui a la forme d’une barque.
Rassasiés, les marcheurs ont entamé l’ascension du Pic Cassini. Traversant une forêt de hêtres, déjà privés de leur feuillage automnal et chatoyant, le groupe a été salué par les premières nappes de neige, immaculée et modeste, certes, mais bien décidée à se maintenir dans les sous-bois ombragés.
Les randonneurs ont ensuite savouré les bienfaits des molécules de polyphénol dégagées par les pins dont une espèce particulièrement bien adapté à la vie en altitude : le pin à crochets, du nom des petites pointes recourbées qui bordent les écailles de ses cônes.
Si la pente vers le sommet n’atteint jamais des dénivelés affolants, les galets de granit qui parsèment le sentier n’épargnent pas les chevilles mais pas de quoi arrêter les vaillantes et intrépides « Passeurs de Mémoire ».
L’arrivée au sommet du Cassini, coïncidant avec l’heure du déjeuner, tombait donc à pic.
Avant d’ouvrir les sacs, les marcheurs ont appris, de la bouche du guide du jour, comment ce sommet, appelé Signal de Belle Coste, sur une carte de Cassini dressée en 1744, disparaît sur celle dessinée en 1778/1779 pour réapparaître sous le nom de Signal de Cassini sur une carte d’état-major éditée entre 1820 et 1866.
Le nom de Cassini est donc lié directement à la famille du même nom dont plusieurs membres, sur quatre générations successives, ont levé, au cours du XVIIIème siècle, la carte géométrique du royaume de France, à l’échelle 1/864 000eme, à la demande de Louis XV.
Il est à noter que cette carte de France, déjà très précise pour l’époque, ne comportait pas moins de 180 feuillets. Le lieu choisi pour la balade du jour, haut de 1683 mètres, ne porte son nom actuel, sur les cartes IGN, que depuis les années 1950.
Si l’ascension du Pic n’exige pas d’efforts surhumains, la vue, au sommet est époustouflante. Le ciel, sans le moindre nuage et d’un bleu céruléen sublimait la somptuosité du paysage.
Mont blanc, Mont Ventoux, Barre des Ecrins, Aigoual, Serre de Barres… dévoilaient leur splendeur aux yeux des marcheurs d’une façon si nette qu’on aurait pu les croire à portée de godillots. Mais bien évidemment, rien ne valait le panorama du premier plan, la merveille des merveilles, jalousée de Marseille à Valenciennes : les Cévennes !
En guise de dessert, Francis a dévoilé le mystère d’un lieu-dit du Mont Lozère : le Mas Camargue. L’Ordre de Malte, originellement Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem avait reçu, en donation, des terres importantes sur le Mont Lozère. C’est sur ces terres cévenoles que des troupeaux, venus de Camargue, venaient estiver jusqu’à la veille de la première guerre mondiale.
Empruntant un autre sentier pour entamer le retour, la joyeuse équipe a traversé des plateaux entièrement tapissés de callunes et de bruyères, roussies par l’automne, et de genévriers rampants avant d’arriver au point de vue vertigineux du Rocher de l’Aigle.
Les randonneurs n’ont pas hésité à se risquer au bord de l’abîme afin de s’éblouir du paysage en contrebas, constitué d’imposants éboulis de pierres, de vallées profondes et ombragées avec, nichés tout au fond de celles-ci, de minuscules hameaux qu’on croirait confectionnés par les santonniers de Provence.
La douce pente invitant à rejoindre le Mas de la Barque, via le Col de l’Aigle, offre des bas-côtés plats et, surtout, moins empierrés que le sillon central creusé par les multiples passages de randonneurs ou bikers.
Malgré les jambes lourdes, d’aucuns n’hésitaient pas à slalomer d’un talus à l’autre pour éviter la rencontre malencontreuse entre les arêtes des pierres et les pieds et chevilles harassés.
La démarche finale, un peu hésitante, du groupe, aurait pu inspirer un mauvais poème à un écrivaillon à la veine lyrique épuisée.
Sur le doux matelas de bruyères automnales
Souffrent chevilles et pieds par le granit meurtris
Les six marcheurs lassés, d’un pas ragaillardi
Impatiemment attendent la récompense finale.
Phénomène assez inhabituel, le site du Mas de la Barque était désert au retour de la troupe.
C’est donc dans un calme total et beignés par les tièdes rayons du soleil couchant que les randonneurs ont pu bénéficier de la terrasse de l’auberge pour y déguster les diverses douceurs apportées par les irréductibles marcheurs.
Si, au cours de cette journée, les yeux ont joui de vues inoubliables, l’estomac ne fut donc pas en reste, le tout faisant que cette balade est vraiment à marquer d’une pierre blanche… en granit, bien sûr !!!
